L’ostéopathie, un allié prometteur contre les migraines chroniques

12 Oct 2025

Quand les douleurs deviennent un mode de vie.

Pour beaucoup, la migraine n’est pas un simple mal de tête. C’est une véritable tempête intérieure qui s’installe plusieurs jours par mois, coupant du travail, des proches et du sommeil. Selon les estimations européennes, environ 10 à 15 % de la population souffrirait de migraines chroniques. Ces douleurs, souvent pulsantes et unilatérales, s’accompagnent de nausées, d’une hypersensibilité au bruit et à la lumière.

Mais au-delà de la souffrance physique, il y a le poids invisible : la fatigue émotionnelle, la dépendance aux médicaments et la peur du prochain épisode.

C’est dans ce contexte qu’une équipe italienne dirigée par Francesco Cerritelli a voulu savoir si l’ostéopathie pouvait réellement aider ces patients à reprendre le contrôle.

1- Une étude scientifique rigoureuse

Publiée en 2015 dans la revue Complementary Therapies in Medicine, cette étude a suivi 105 patients souffrant de migraines chroniques. Tous étaient suivis à l’hôpital d’Ancône (Italie) et remplissaient des critères stricts : au moins 15 jours de migraine par mois depuis plus de trois mois, sans autre pathologie majeure.

Les participants ont été répartis aléatoirement en trois groupes :

  • Ostéopathie + traitement médicamenteux habituel.
  • Fausse ostéopathie (sham) + traitement médicamenteux.
  • Traitement médicamenteux seul.

Pendant six mois, le groupe ostéopathique a reçu 8 séances réalisées par des praticiens expérimentés. Les techniques utilisées étaient douces et ciblées : libération myofasciale, équilibrage des tensions ligamentaires et membranaires, et travail crânio-sacré — des gestes précis visant à restaurer la mobilité des tissus et l’équilibre du système nerveux autonome.

 

Schéma 1 : Représentation des trois groupes de l’étude (OMT + médication / Sham / Médication seule)

Des résultats impressionnants.

Les chercheurs ont évalué plusieurs critères, dont :

  • Le score HIT-6, un questionnaire mesurant l’impact des maux de tête sur la vie quotidienne.
  • Le nombre de jours de migraine par mois.
  • La consommation de médicaments.
  • L’intensité de la douleur et le niveau de handicap fonctionnel.

 

Les résultats sont sans appel :

  • Le score HIT-6 a chuté de 9 points en moyenne chez les patients traités par ostéopathie — une amélioration cliniquement significative.
  • Le nombre de jours de migraine par mois est passé d’environ 22 à seulement 1 ou 2 jours.
  • La prise de médicaments a été divisée par cinq.
  • Aucun effet indésirable n’a été rapporté.

 

Schéma 2 : Évolution du nombre de jours de migraine sur 6 mois selon les groupes.
(Courbe bleue : OMT / Courbe grise : Sham / Courbe rouge : Médication seule)

2 – Mais comment cela fonctionne-t-il ?

L’explication se trouve du côté du système nerveux autonome — ce réseau qui régule nos fonctions vitales sans que nous y pensions (respiration, digestion, tension artérielle…).

Lors d’une crise migraineuse, une suractivation du système trigéminovasculaire provoque une inflammation des méninges et une libération de molécules pro-inflammatoires, comme la sérotonine et les prostaglandines. Cette inflammation entretient un cercle vicieux de douleur et d’hypersensibilisation.

Or, plusieurs travaux montrent que certaines techniques ostéopathiques peuvent :

  • Rééquilibrer le tonus du système nerveux autonome, notamment en stimulant la branche parasympathique (celle du « repos et récupération »).
  • Améliorer la circulation des fluides et réduire les tensions tissulaires qui entretiennent l’inflammation.
  • Diminuer la production de cytokines pro-inflammatoires, contribuant à apaiser le terrain neurologique.

 

Schéma 3 : Effet de l’OMT sur le système nerveux autonome (bascule vers le parasympathique)

En d’autres termes, l’ostéopathie ne traite pas la migraine comme un simple symptôme, mais cherche à rétablir un équilibre global du corps. Cette approche « holistique » s’inscrit parfaitement dans la philosophie de l’ostéopathie : le corps est une unité, et sa capacité d’autorégulation est la clé de la santé.

3 – Et le placebo dans tout ça ?

L’étude a prévu un groupe « sham » — une fausse ostéopathie où le praticien posait les mains sans intention thérapeutique. De manière surprenante, ce groupe a lui aussi montré une légère amélioration.

Cela s’explique probablement par la dimension relationnelle et tactile du soin. Le simple fait d’être pris en charge, écouté et touché avec douceur active des zones cérébrales liées à la détente et à la modulation de la douleur. Cette part psychobiologique du toucher est aujourd’hui reconnue comme une composante essentielle de l’efficacité thérapeutique.

Mais l’ampleur des bénéfices observés dans le groupe OMT dépasse largement ce simple effet contextuel : l’action manuelle ciblée semble bel et bien avoir un impact physiologique mesurable.

4 – Une nouvelle place pour l’ostéopathie dans la prise en charge des migraines.

Ces résultats encouragent à considérer l’ostéopathie comme un complément efficace aux traitements médicaux. En réduisant la fréquence et l’intensité des crises, elle permet :

  • Une diminution de la consommation de médicaments (et donc des effets secondaires).
  • Une amélioration de la qualité de vie.
  • Un impact économique positif (moins d’arrêts de travail, moins de soins d’urgence).

Les auteurs suggèrent que l’ostéopathie devrait être intégrée dans les protocoles multidisciplinaires de traitement de la migraine, au même titre que la kinésithérapie, la relaxation ou la psychothérapie.

Un mot de prudence.

Bien que prometteuse, cette étude reste une première étape. Les chercheurs eux-mêmes appellent à de nouvelles recherches à plus grande échelle, afin de confirmer ces résultats et de mieux comprendre les mécanismes neurobiologiques en jeu.

Par ailleurs, l’ostéopathie ne remplace pas un suivi médical. Elle s’y associe, dans une logique de complémentarité, notamment lorsque les traitements médicamenteux montrent leurs limites.

 

En résumé :

Schéma 4 : Tableau comparatif des résultats clés de l’étude

Conclusion

Cette étude marque une étape importante : l’ostéopathie, souvent perçue comme une approche alternative, trouve ici une reconnaissance scientifique tangible dans le traitement des migraines chroniques.

En agissant sur les tensions du corps et le système nerveux, elle offre une voie naturelle, sûre et complémentaire aux traitements classiques et à une bonne hygiène de vie : activité physique, gestion du stress, sommeil et alimentation.

Une main posée au bon endroit, un geste précis, et parfois… un grand soulagement.

Références scientifiques

Cerritelli F. et al. (2015). Clinical effectiveness of osteopathic treatment in chronic migraine: 3-Armed randomized controlled trial. Complementary Therapies in Medicine, 23(2), 149–156.

Tin KOJIC Ostéopathe D.O.